L'ex-président Chirac a-t-il un trésor caché au Japon ?
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L'ex-président Chirac a-t-il un trésor caché au Japon ?
Chirac, le compte et la légende
L'ex-président a-t-il un trésor caché au Japon ? Des notes de la DGSE ont pu le laisser croire mais lui crie au "fantasme". Effectuée à sa demande à Tokyo, une vérification appuie ses démentis. Enquête sur une piste qui conduit à une impasse.
Par Hervé Gattegno
Jacques Chirac et Shoichi Osada © AFP/ JIJI PRESS
Une enquête officielle a bien été diligentée au Japon pour vérifier si oui ou non, Jacques Chirac y a possédé un compte bancaire. Elle remonte à l'automne 2007 et il ne s'agit ni des recherches confidentielles d'un service secret, ni d'une investigation ordonnée par un juge. Et pour cause : ces vérifications ont été menées à la demande de l'ancien président de la République lui-même. Et si elles ne balaient pas à coup sûr toutes les suspicions, leurs conclusions renforcent au moins sa défense.
"Je n'ai jamais eu de compte dans aucune banque au Japon, et prétendre le contraire serait diffamatoire, déclare Jacques Chirac au Point . Aussi, pour mettre un terme définitif aux divagations qui ont cours sur ce sujet, j'ai souhaité qu'une vérification soit engagée, dont nul ne peut contester qu'elle a été menée de façon indépendante."
Datée du 26 septembre 2007, la requête a été adressée par le président de l'Ordre des avocats de Tokyo - doté de pouvoirs d'injonction équivalents à ceux d'un magistrat -, Kazuhiko Shimokobe, à la Tokyo Star Bank. C'est en effet cette banque qui a repris, depuis 2001, les activités de la Tokyo Sowa Bank (TSB), dont le sulfureux fondateur, Shoichi Osada, avait brandi son amitié avec l'ex-président français au point d'accréditer l'hypothèse de faveurs financières occultes.
La réponse est arrivée le 26 novembre suivant. "Il n'existait pas de compte bancaire au nom du demandeur à la date de la cession d'exploitation (de la TSB)", peut-on lire sur ce document, que l'entourage de Jacques Chirac a communiqué au Point . Le rapport précise que les "recherches informatiques" n'ont pas non plus permis de découvrir un compte plus ancien qui aurait été clôturé avant la faillite. Il mentionne toutefois que "les archives conservées étant volumineuses, il est pratiquement impossible de les vérifier dans leur totalité" et que, par ailleurs, l'hypothèse d'un compte ouvert au nom d'une société dissimulant l'ancien président n'a pu être réellement examinée, en raison des limites du système informatique de la banque.
"Ceux qui veulent douter peuvent continuer à le faire, juge l'avocat parisien de Chirac, Me Jean Veil. Personne ne pourra en tout cas contester notre bonne foi. En activant cette procédure, nous ne savions ni les questions qui seraient exactement posées à la banque, ni, a fortiori, les réponses qui y seraient apportées. Pensera-t-on sérieusement que nous aurions pris le risque de provoquer nous-mêmes la révélation d'un compte dont M. Chirac n'a cessé d'affirmer qu'il relevait du pur fantasme ?" Difficile de contredire l'argument. D'autant qu'aucun élément incontestable n'a jamais pu être avancé pour établir l'existence du fameux compte.
300 millions de francs. Entre 1996 et 2001, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service secret français, en a plusieurs fois évoqué l'hypothèse dans des messages internes, mais rien ne permet de conclure que les recherches lancées alors aient abouti à un résultat probant. C'est pourtant sur ces documents secrets, divulgués à la faveur de l'affaire Clearstream, que repose encore l'essentiel des suspicions. En septembre 2001, persuadé que l'on cherchait à le compromettre, Chirac avait en effet exigé une inspection interne à la DGSE, qu'il confia au général Philippe Rondot, ancien agent secret devenu conseiller au ministère de la Défense. Dans les archives de l'officier, aujourd'hui saisies par la justice, figurent les seules pièces qui font expressément référence au prétendu compte présidentiel. Certaines sont troublantes. Aucune n'a valeur de preuve. Toutes recèlent des contradictions.
La première allusion à un lien entre l'ex-président et la Sowa Bank apparaît dans un télégramme du chef de poste de la DGSE à Tokyo, le 11 novembre 1996 . Il signale qu'une source locale - baptisée du nom de code Jambage - attire l'attention sur les rumeurs entourant la TSB au moment où son dirigeant se propose d'investir d'importantes sommes en France. La faillite de la banque, prévient-il, pourrait être "accompagnée du déballage de quelques scandales" et signale, un peu plus loin et sans commentaire : "Le montant des sommes versées sur le compte ouvert par Sowa au nom de M. Chirac serait de 7 milliards de yens, soit environ 300 millions de francs."
Estimation faramineuse que contredit pourtant un autre passage du télégramme : indiquant avoir reçu de sa source un dossier recensant "des faits que Jambage considère comme irréfutables", le fonctionnaire assure n'y avoir "rien trouvé d'extraordinaire" - tout au plus "des articles de presse (parfois à scandale), des interrogations de banques de données et des extraits de livres"...
Le 21 janvier 1997, un deuxième message envoyé par le poste de la DGSE de Tokyo évoque des inquiétudes similaires à celles de "Jambage", mais les attribue cette fois à l'ambassadeur de France, Jean-Bernard Ouvrieu. À en croire le texte, le diplomate aurait spontanément souligné que la déconfiture de la TSB "pourrait poser problème si cette faillite était accompagnée de la révélation d'affaires scandaleuses, en raison du caractère particulier des relations entre son président, Osada, et le président Chirac". La nature d'une telle menace n'est pas précisée, si bien que l'infréquentable banquier sera reçu à l'Élysée peu après - "vers le 24 février", indiquent les archives de la DGSE.
Mais l'ambassadeur Ouvrieu, lui, ne reconnaît pas ses propos. "Je m'inscris en faux contre ce compte rendu", s'indigne-t-il, s'estimant victime de "l'exagération volontaire d'un chef de poste désireux de se mettre en valeur". S'il confirme l'entrisme du banquier, il conteste s'en être "inquiété à ce point" et rappelle qu'au demeurant "c'est à François Mitterrand qu'Osada devait sa Légion d'honneur", obtenue en 1994.
Les archives du service secret attestent en tout cas que les phrases prêtées au diplomate motivèrent l'envoi, par la DGSE, d'un feu vert aux agents de Tokyo pour approfondir le sujet. Elles montrent aussi qu'au cours des années suivantes, le service secret se livra à des investigations à éclipses, apparemment concentrées sur la santé de la Sowa Bank, déclarée en faillite en juin 1999, et sur les démêlés judiciaires de son fondateur.
Ainsi, le 13 septembre 1999, une "fiche blanche" est titrée : "M. Osada menace de révéler des scandales financiers." Le 23 octobre suivant, le magazine à sensation Shukan Gendai évoque les largesses du banquier déchu envers de nombreuses personnalités politiques japonaises et étrangères, y compris Jacques Chirac, dont la campagne présidentielle de 1995 aurait été "aidée" par la succursale parisienne de la Sowa Bank. Le 23 mai 2000, une "note de renseignement" signale "l'arrestation de M. Osada". Le 26 janvier 2001, enfin, le poste de Tokyo est remobilisé par une rumeur annonçant "le rachat de la TSB par un fonds de placement américain".
Les registres de la DGSE n'ont pas gardé de trace des conclusions de ces recherches. Condamné à trois ans de prison, Osada ne s'est livré à aucun déballage. Et, à Paris, l'hypothèse d'un montage ourdi contre le chef de l'État, qui eut cours à l'Élysée au plus fort de l'affrontement Chirac-Jospin, ne s'est jamais vérifiée, même si le directeur de la DGSE de l'époque, Jean-Claude Cousseran, et le chef du service des "affaires protégées", le magistrat Gilbert Flam, tous deux réputés proches des socialistes, ont été limogés à l'été 2002, peu après la réélection de Chirac.
Le 28 septembre 2001, l'inspection interne au service secret avait conclu sans trancher entre la maladresse et le complot : il y avait bien eu "une enquête au Japon", qui avait "porté sur l'existence d'avoirs du président Chirac dans la TSB" ; mais l'issue n'en était pas précisée. Pas une des notes conservées par le général n'en dit plus - et tous les protagonistes retrouvés par Le Point assurent que la question resta sans réponse.
Les spéculations auraient donc pu s'arrêter là. Mais, le 28 mars 2006, répondant aux questions des juges de l'affaire Clearstream, le général Rondot contribua, sans l'avoir voulu, à l'amplification irraisonnée du vrai-faux mystère japonais. Privé de ses notes personnelles, surpris par la rudesse de l'interrogatoire, il raconta la "supposée machination au sein de la DGSE" qu'il avait eu à déjouer en avançant, sans l'ombre d'un conditionnel, que l'opération avait eu pour but "de mettre en cause le président à travers l'existence d'un compte qu'il possédait dans une banque japonaise". Puis, reprenant benoîtement la teneur du télégramme de 1996 : "Il est indiqué sur les documents que vous avez saisis à mon domicile que ce compte a été ouvert à la Tokyo Sowa Bank et a été crédité d'une somme totale évaluée par les services de la DGSE à 300 millions de francs" [45,8 millions d'euros].
L'ex-agent aura beau répéter par la suite à cor et à cri que la formulation est impropre et que l'information n'a jamais été vérifiée, le soupçon s'en est trouvé revigoré. Il ne fait pourtant guère de doute que le général avait mélangé souvenirs, impressions et lectures ultérieures ; et en fait d' évaluation , tout porte à croire que la DGSE s'est bornée à convertir les yens en francs...
La lecture des fameuses fiches manuscrites de Rondot, qui évoquent plusieurs fois l'épisode japonais, laisse la même impression contrastée : celle d'une piste prometteuse qui conduit à l'impasse. Le 11 septembre 2001, peu avant les attentats du World Trade Center, il aborde le sujet avec Dominique de Villepin (alors secrétaire général de l'Élysée) et note: "Le compte Chirac au Japon, à travers les indemnités perçues localement, objet possible de l'intérêt de la DGSE." Plus bas : "Compte japonais : le président a reversé ces sommes à une association qui règle les déplacements [...]" Le 8 novembre suivant, après le retour de l'émissaire qu'il a dépêché à Tokyo, Rondot écrit : "Le compte de JC existe bien, il est alimenté." Est-ce à dire qu'il détient enfin la preuve tant attendue ? Sans doute pas.
Un trésor introuvable. De fait, dans son audition du 28 mars 2006, l'ancien espion précise aux juges l'explication qu'il croit la bonne : le compte "était alimenté par le versement régulier d'une somme très importante [...] provenant d'une fondation culturelle dont M. Chirac était membre du conseil d'administration". Or ce point-là au moins est vérifiable. Et il est faux. De 1988 à 1995, Chirac, alors maire de Paris, siégea effectivement au conseil du Praemium Imperiale, jury international chargé par l'Association japonaise des arts de distinguer chaque année des artistes du monde entier.
Mais si les statuts de cette fondation de grand renom (où ont siégé David Rockefeller, Umberto Agnelli, Helmut Schmidt ou Raymond Barre) prévoient un budget annuel de 100 000 dollars - bien loin des 300 millions de francs évoqués par la DGSE... - alloué à chaque conseiller, ils disposent que seules "les dépenses réelles" sont remboursées "sur la base de factures" et que les frais de voyage et de séjour sont réglés "directement aux parties et agences concernées". "Les paiements ne sont pas faits aux conseillers ni sur aucun compte bancaire personnel", affirme en outre une note du secrétaire général de l'Association des arts, Masakazu Mizuno, qui certifie que les prestigieux jurés n'ont jamais perçu "ni salaire ni honoraires".
De sorte que l'origine du mirifique trésor nippon de Jacques Chirac ne saurait se trouver là. Peut-être simplement parce qu'il n'existe pas. Du compte à la légende, il n'y a parfois qu'un souffle.
L'ex-président a-t-il un trésor caché au Japon ? Des notes de la DGSE ont pu le laisser croire mais lui crie au "fantasme". Effectuée à sa demande à Tokyo, une vérification appuie ses démentis. Enquête sur une piste qui conduit à une impasse.
Par Hervé Gattegno
Jacques Chirac et Shoichi Osada © AFP/ JIJI PRESS
Une enquête officielle a bien été diligentée au Japon pour vérifier si oui ou non, Jacques Chirac y a possédé un compte bancaire. Elle remonte à l'automne 2007 et il ne s'agit ni des recherches confidentielles d'un service secret, ni d'une investigation ordonnée par un juge. Et pour cause : ces vérifications ont été menées à la demande de l'ancien président de la République lui-même. Et si elles ne balaient pas à coup sûr toutes les suspicions, leurs conclusions renforcent au moins sa défense.
"Je n'ai jamais eu de compte dans aucune banque au Japon, et prétendre le contraire serait diffamatoire, déclare Jacques Chirac au Point . Aussi, pour mettre un terme définitif aux divagations qui ont cours sur ce sujet, j'ai souhaité qu'une vérification soit engagée, dont nul ne peut contester qu'elle a été menée de façon indépendante."
Datée du 26 septembre 2007, la requête a été adressée par le président de l'Ordre des avocats de Tokyo - doté de pouvoirs d'injonction équivalents à ceux d'un magistrat -, Kazuhiko Shimokobe, à la Tokyo Star Bank. C'est en effet cette banque qui a repris, depuis 2001, les activités de la Tokyo Sowa Bank (TSB), dont le sulfureux fondateur, Shoichi Osada, avait brandi son amitié avec l'ex-président français au point d'accréditer l'hypothèse de faveurs financières occultes.
La réponse est arrivée le 26 novembre suivant. "Il n'existait pas de compte bancaire au nom du demandeur à la date de la cession d'exploitation (de la TSB)", peut-on lire sur ce document, que l'entourage de Jacques Chirac a communiqué au Point . Le rapport précise que les "recherches informatiques" n'ont pas non plus permis de découvrir un compte plus ancien qui aurait été clôturé avant la faillite. Il mentionne toutefois que "les archives conservées étant volumineuses, il est pratiquement impossible de les vérifier dans leur totalité" et que, par ailleurs, l'hypothèse d'un compte ouvert au nom d'une société dissimulant l'ancien président n'a pu être réellement examinée, en raison des limites du système informatique de la banque.
"Ceux qui veulent douter peuvent continuer à le faire, juge l'avocat parisien de Chirac, Me Jean Veil. Personne ne pourra en tout cas contester notre bonne foi. En activant cette procédure, nous ne savions ni les questions qui seraient exactement posées à la banque, ni, a fortiori, les réponses qui y seraient apportées. Pensera-t-on sérieusement que nous aurions pris le risque de provoquer nous-mêmes la révélation d'un compte dont M. Chirac n'a cessé d'affirmer qu'il relevait du pur fantasme ?" Difficile de contredire l'argument. D'autant qu'aucun élément incontestable n'a jamais pu être avancé pour établir l'existence du fameux compte.
300 millions de francs. Entre 1996 et 2001, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service secret français, en a plusieurs fois évoqué l'hypothèse dans des messages internes, mais rien ne permet de conclure que les recherches lancées alors aient abouti à un résultat probant. C'est pourtant sur ces documents secrets, divulgués à la faveur de l'affaire Clearstream, que repose encore l'essentiel des suspicions. En septembre 2001, persuadé que l'on cherchait à le compromettre, Chirac avait en effet exigé une inspection interne à la DGSE, qu'il confia au général Philippe Rondot, ancien agent secret devenu conseiller au ministère de la Défense. Dans les archives de l'officier, aujourd'hui saisies par la justice, figurent les seules pièces qui font expressément référence au prétendu compte présidentiel. Certaines sont troublantes. Aucune n'a valeur de preuve. Toutes recèlent des contradictions.
La première allusion à un lien entre l'ex-président et la Sowa Bank apparaît dans un télégramme du chef de poste de la DGSE à Tokyo, le 11 novembre 1996 . Il signale qu'une source locale - baptisée du nom de code Jambage - attire l'attention sur les rumeurs entourant la TSB au moment où son dirigeant se propose d'investir d'importantes sommes en France. La faillite de la banque, prévient-il, pourrait être "accompagnée du déballage de quelques scandales" et signale, un peu plus loin et sans commentaire : "Le montant des sommes versées sur le compte ouvert par Sowa au nom de M. Chirac serait de 7 milliards de yens, soit environ 300 millions de francs."
Estimation faramineuse que contredit pourtant un autre passage du télégramme : indiquant avoir reçu de sa source un dossier recensant "des faits que Jambage considère comme irréfutables", le fonctionnaire assure n'y avoir "rien trouvé d'extraordinaire" - tout au plus "des articles de presse (parfois à scandale), des interrogations de banques de données et des extraits de livres"...
Le 21 janvier 1997, un deuxième message envoyé par le poste de la DGSE de Tokyo évoque des inquiétudes similaires à celles de "Jambage", mais les attribue cette fois à l'ambassadeur de France, Jean-Bernard Ouvrieu. À en croire le texte, le diplomate aurait spontanément souligné que la déconfiture de la TSB "pourrait poser problème si cette faillite était accompagnée de la révélation d'affaires scandaleuses, en raison du caractère particulier des relations entre son président, Osada, et le président Chirac". La nature d'une telle menace n'est pas précisée, si bien que l'infréquentable banquier sera reçu à l'Élysée peu après - "vers le 24 février", indiquent les archives de la DGSE.
Mais l'ambassadeur Ouvrieu, lui, ne reconnaît pas ses propos. "Je m'inscris en faux contre ce compte rendu", s'indigne-t-il, s'estimant victime de "l'exagération volontaire d'un chef de poste désireux de se mettre en valeur". S'il confirme l'entrisme du banquier, il conteste s'en être "inquiété à ce point" et rappelle qu'au demeurant "c'est à François Mitterrand qu'Osada devait sa Légion d'honneur", obtenue en 1994.
Les archives du service secret attestent en tout cas que les phrases prêtées au diplomate motivèrent l'envoi, par la DGSE, d'un feu vert aux agents de Tokyo pour approfondir le sujet. Elles montrent aussi qu'au cours des années suivantes, le service secret se livra à des investigations à éclipses, apparemment concentrées sur la santé de la Sowa Bank, déclarée en faillite en juin 1999, et sur les démêlés judiciaires de son fondateur.
Ainsi, le 13 septembre 1999, une "fiche blanche" est titrée : "M. Osada menace de révéler des scandales financiers." Le 23 octobre suivant, le magazine à sensation Shukan Gendai évoque les largesses du banquier déchu envers de nombreuses personnalités politiques japonaises et étrangères, y compris Jacques Chirac, dont la campagne présidentielle de 1995 aurait été "aidée" par la succursale parisienne de la Sowa Bank. Le 23 mai 2000, une "note de renseignement" signale "l'arrestation de M. Osada". Le 26 janvier 2001, enfin, le poste de Tokyo est remobilisé par une rumeur annonçant "le rachat de la TSB par un fonds de placement américain".
Les registres de la DGSE n'ont pas gardé de trace des conclusions de ces recherches. Condamné à trois ans de prison, Osada ne s'est livré à aucun déballage. Et, à Paris, l'hypothèse d'un montage ourdi contre le chef de l'État, qui eut cours à l'Élysée au plus fort de l'affrontement Chirac-Jospin, ne s'est jamais vérifiée, même si le directeur de la DGSE de l'époque, Jean-Claude Cousseran, et le chef du service des "affaires protégées", le magistrat Gilbert Flam, tous deux réputés proches des socialistes, ont été limogés à l'été 2002, peu après la réélection de Chirac.
Le 28 septembre 2001, l'inspection interne au service secret avait conclu sans trancher entre la maladresse et le complot : il y avait bien eu "une enquête au Japon", qui avait "porté sur l'existence d'avoirs du président Chirac dans la TSB" ; mais l'issue n'en était pas précisée. Pas une des notes conservées par le général n'en dit plus - et tous les protagonistes retrouvés par Le Point assurent que la question resta sans réponse.
Les spéculations auraient donc pu s'arrêter là. Mais, le 28 mars 2006, répondant aux questions des juges de l'affaire Clearstream, le général Rondot contribua, sans l'avoir voulu, à l'amplification irraisonnée du vrai-faux mystère japonais. Privé de ses notes personnelles, surpris par la rudesse de l'interrogatoire, il raconta la "supposée machination au sein de la DGSE" qu'il avait eu à déjouer en avançant, sans l'ombre d'un conditionnel, que l'opération avait eu pour but "de mettre en cause le président à travers l'existence d'un compte qu'il possédait dans une banque japonaise". Puis, reprenant benoîtement la teneur du télégramme de 1996 : "Il est indiqué sur les documents que vous avez saisis à mon domicile que ce compte a été ouvert à la Tokyo Sowa Bank et a été crédité d'une somme totale évaluée par les services de la DGSE à 300 millions de francs" [45,8 millions d'euros].
L'ex-agent aura beau répéter par la suite à cor et à cri que la formulation est impropre et que l'information n'a jamais été vérifiée, le soupçon s'en est trouvé revigoré. Il ne fait pourtant guère de doute que le général avait mélangé souvenirs, impressions et lectures ultérieures ; et en fait d' évaluation , tout porte à croire que la DGSE s'est bornée à convertir les yens en francs...
La lecture des fameuses fiches manuscrites de Rondot, qui évoquent plusieurs fois l'épisode japonais, laisse la même impression contrastée : celle d'une piste prometteuse qui conduit à l'impasse. Le 11 septembre 2001, peu avant les attentats du World Trade Center, il aborde le sujet avec Dominique de Villepin (alors secrétaire général de l'Élysée) et note: "Le compte Chirac au Japon, à travers les indemnités perçues localement, objet possible de l'intérêt de la DGSE." Plus bas : "Compte japonais : le président a reversé ces sommes à une association qui règle les déplacements [...]" Le 8 novembre suivant, après le retour de l'émissaire qu'il a dépêché à Tokyo, Rondot écrit : "Le compte de JC existe bien, il est alimenté." Est-ce à dire qu'il détient enfin la preuve tant attendue ? Sans doute pas.
Un trésor introuvable. De fait, dans son audition du 28 mars 2006, l'ancien espion précise aux juges l'explication qu'il croit la bonne : le compte "était alimenté par le versement régulier d'une somme très importante [...] provenant d'une fondation culturelle dont M. Chirac était membre du conseil d'administration". Or ce point-là au moins est vérifiable. Et il est faux. De 1988 à 1995, Chirac, alors maire de Paris, siégea effectivement au conseil du Praemium Imperiale, jury international chargé par l'Association japonaise des arts de distinguer chaque année des artistes du monde entier.
Mais si les statuts de cette fondation de grand renom (où ont siégé David Rockefeller, Umberto Agnelli, Helmut Schmidt ou Raymond Barre) prévoient un budget annuel de 100 000 dollars - bien loin des 300 millions de francs évoqués par la DGSE... - alloué à chaque conseiller, ils disposent que seules "les dépenses réelles" sont remboursées "sur la base de factures" et que les frais de voyage et de séjour sont réglés "directement aux parties et agences concernées". "Les paiements ne sont pas faits aux conseillers ni sur aucun compte bancaire personnel", affirme en outre une note du secrétaire général de l'Association des arts, Masakazu Mizuno, qui certifie que les prestigieux jurés n'ont jamais perçu "ni salaire ni honoraires".
De sorte que l'origine du mirifique trésor nippon de Jacques Chirac ne saurait se trouver là. Peut-être simplement parce qu'il n'existe pas. Du compte à la légende, il n'y a parfois qu'un souffle.
Re: L'ex-président Chirac a-t-il un trésor caché au Japon ?
COMMENTAIRE(S)
dimanche 3 février | 14:49
Le problème n'est pas d'aimer l'argent ou pas, mais le fait que si cet argent existe et j'ai bien dit si (présomption d'innocence qui s'applique a tout le monde...), c'est que cet argent n'a pas été déclaré, donc pas d'impôt ; en un mot, fraude fiscale ; on peut aussi appeler ça du travail au noir et ça de la part du Président est impardonnable. Mais bon, encore faut-il laisser les juges faire leur boulot, car tant que l'on n’a rien trouvé, pour moi, Chirac est innocent.
Tof
Cherchez la femme
dimanche 3 février | 07:10
Chirac a fait 55 voyages personnels entre 1980 et 1995 au Japon. Même s'il aime beaucoup le sumo l'explication est un peu courte. Comme pour Mitterrand et Mazarine, un certain nombre de personnes savent quelque chose. Bien entendu rien n'a été mis au nom de Chirac mais peut-être que du côté des antiquaires parisiens et de Tokyo se trouvent certaines réponses. Je ne crois pas que cette contribution sera publiée.
JACKY
@ emile
samedi 2 février | 10:14
Moi aussi, j'aime l'argent. Pas vous ? Vous refusez votre salaire, par exemple. Moi, l'argent, plus j'en ai, et plus je suis content. Vous pensez que je devrais aller consulter ? C'est grave, Docteur ?
Antoine GED
Imbécile...!
jeudi 31 janvier | 22:18
Je n'ai pas eu le courage de lire tout votre article ; je n'en ai lu que l'intitulé, et cela m'a suffi ! Je veux bien que l'on pense tout ce que l'on veut de Jacques Chirac, mais il n'est pas suffisamment imbécile pour avoir fait ce qu'on lui reproche ! Antoine GED
Jissency
Fantaisiste
jeudi 31 janvier | 11:35
Malgré tout le crédit que j'accorde d'habitude au "Canard enchaîné", je dois dire que cette prétendue révélation m'a toujours parue fantaisiste : qui serait assez bête pour ouvrir un compte frauduleux à son nom, quand on peut disposer en Suisse ou au Luxembourg d'un compte à numéro parfaitement anonyme ? La vérité, c'est que beaucoup de béotiens n'ont jamais compris son intérêt pour le pays du Soleil levant, et qu'après lui avoir prêté un enfant caché (autre rumeur récurrente), on lui a inventé un magot pour expliquer ses cinquante et quelques voyages au Japon. Chirac n'est pas un enfant de chœur, mais la somme déjà paraît extravagante.
Emile
Pas convaincu
jeudi 31 janvier | 11:18
C'est gentil de voler au secours de Chirac, mais ça manque un peu de biscuits, M. Gattegno. Vous ne prouvez pas formellement ce que vous affirmez. Je suis toujours frappé de voir qu'en France, nos chefs d'Etat sont forcément intègres. Poutine entasse des fortunes, les dictateurs africains ou sud-américains itou, mais Mitterrand était au-dessus de ça, Chirac trop gentil et Sarko, lui, c'est bien connu, ne tire aucun profit des contrats mirobolants qu'il signe. C'est vrai que rien dans son train de vie ne permet de penser qu'il aime l'argent...
michel
Dites-moi
jeudi 31 janvier | 10:15
Quel homme politique dans ce monde n'a pas un secret compte bancaire ? Noir, blanc, jaune, vert, il ne faut pas sortir d'une grande école pour faire de la politique. Il faut tout simplement savoir et avoir l'art d'être un champion des champions dans les mensonges, et savoir beaucoup mentir et sans rougir.
JEF
La non-justice française
jeudi 31 janvier | 09:55
Des scandales, il y en a dans beaucoup de pays, alors arrêtez de vous lamenter sur une France qui serait la risée de tous les pays. Ce thème est d'ailleurs très récent, comme si tout avait commencé avec l'ère Sarkozy. La différence, c'est l'impunité qui suit les affaires la plupart du temps, parce que la Justice est dépendante, lente, inadaptée.
plombier
Légende ?
jeudi 31 janvier | 09:53
Si ce compte est une légende, Ségolène Royal [...] ne pourra pas dire : "Rendez l'argent."
mlf
Mauvais esprit
jeudi 31 janvier | 08:09
Le compte "jaune" à monsieur, les pièces à madame.
jo
Le retour des fantômes
jeudi 31 janvier | 05:28
M. Chirac encore dans la tourmente après les HLM de paris ou encore le RPR, on se demande comment un homme pareil a fait pour devenir président de la République. Peut-on encore faire confiance à la classe politique française, surtout actuellement, mais là, c'est tendance people.
erkki
erkki
jeudi 31 janvier | 02:08
Le Français voudrait que les présidents soient pauvres et peu ambitieux, que le luxe soit réservé aux sans-abri, que les pauvres soient riches sans être des [...] et les riches pauvres sans se plaindre... ça fait du bien de vivre à 20 000 km.
erkki
La notion même d'argent
jeudi 31 janvier | 02:05
En France, la notion d'argent est déjà péjorative, le type qui dépense moins qu'il ne gagne est suspect, celui qui gagne bien est un [...], et le riche est forcément malhonnête.... Que voulez-vous faire avec des gens pareils ? Est-il interdit d'avoir un compte au Japon ?
Geneviève
Sacré menteur
mercredi 30 janvier | 22:09
Le ménage a été bien fait. Escamotée, la poussière. Mais que sont devenus ces 3 ou 4 millions (de quoi, d'euros) ? Peut-être à la Société Générale maintenant...
moune07
Encore !
mercredi 30 janvier | 20:12
La France devient un parquet public et la risée de tous les pays ! Pourquoi ne pas sortir toutes ces affaires en temps réel ? Elles sont si nombreuses et se suivent à une allure telle, qu'on a l'impression que la France entière est synonyme de fraude ! C'est lamentable !
dimanche 3 février | 14:49
Le problème n'est pas d'aimer l'argent ou pas, mais le fait que si cet argent existe et j'ai bien dit si (présomption d'innocence qui s'applique a tout le monde...), c'est que cet argent n'a pas été déclaré, donc pas d'impôt ; en un mot, fraude fiscale ; on peut aussi appeler ça du travail au noir et ça de la part du Président est impardonnable. Mais bon, encore faut-il laisser les juges faire leur boulot, car tant que l'on n’a rien trouvé, pour moi, Chirac est innocent.
Tof
Cherchez la femme
dimanche 3 février | 07:10
Chirac a fait 55 voyages personnels entre 1980 et 1995 au Japon. Même s'il aime beaucoup le sumo l'explication est un peu courte. Comme pour Mitterrand et Mazarine, un certain nombre de personnes savent quelque chose. Bien entendu rien n'a été mis au nom de Chirac mais peut-être que du côté des antiquaires parisiens et de Tokyo se trouvent certaines réponses. Je ne crois pas que cette contribution sera publiée.
JACKY
@ emile
samedi 2 février | 10:14
Moi aussi, j'aime l'argent. Pas vous ? Vous refusez votre salaire, par exemple. Moi, l'argent, plus j'en ai, et plus je suis content. Vous pensez que je devrais aller consulter ? C'est grave, Docteur ?
Antoine GED
Imbécile...!
jeudi 31 janvier | 22:18
Je n'ai pas eu le courage de lire tout votre article ; je n'en ai lu que l'intitulé, et cela m'a suffi ! Je veux bien que l'on pense tout ce que l'on veut de Jacques Chirac, mais il n'est pas suffisamment imbécile pour avoir fait ce qu'on lui reproche ! Antoine GED
Jissency
Fantaisiste
jeudi 31 janvier | 11:35
Malgré tout le crédit que j'accorde d'habitude au "Canard enchaîné", je dois dire que cette prétendue révélation m'a toujours parue fantaisiste : qui serait assez bête pour ouvrir un compte frauduleux à son nom, quand on peut disposer en Suisse ou au Luxembourg d'un compte à numéro parfaitement anonyme ? La vérité, c'est que beaucoup de béotiens n'ont jamais compris son intérêt pour le pays du Soleil levant, et qu'après lui avoir prêté un enfant caché (autre rumeur récurrente), on lui a inventé un magot pour expliquer ses cinquante et quelques voyages au Japon. Chirac n'est pas un enfant de chœur, mais la somme déjà paraît extravagante.
Emile
Pas convaincu
jeudi 31 janvier | 11:18
C'est gentil de voler au secours de Chirac, mais ça manque un peu de biscuits, M. Gattegno. Vous ne prouvez pas formellement ce que vous affirmez. Je suis toujours frappé de voir qu'en France, nos chefs d'Etat sont forcément intègres. Poutine entasse des fortunes, les dictateurs africains ou sud-américains itou, mais Mitterrand était au-dessus de ça, Chirac trop gentil et Sarko, lui, c'est bien connu, ne tire aucun profit des contrats mirobolants qu'il signe. C'est vrai que rien dans son train de vie ne permet de penser qu'il aime l'argent...
michel
Dites-moi
jeudi 31 janvier | 10:15
Quel homme politique dans ce monde n'a pas un secret compte bancaire ? Noir, blanc, jaune, vert, il ne faut pas sortir d'une grande école pour faire de la politique. Il faut tout simplement savoir et avoir l'art d'être un champion des champions dans les mensonges, et savoir beaucoup mentir et sans rougir.
JEF
La non-justice française
jeudi 31 janvier | 09:55
Des scandales, il y en a dans beaucoup de pays, alors arrêtez de vous lamenter sur une France qui serait la risée de tous les pays. Ce thème est d'ailleurs très récent, comme si tout avait commencé avec l'ère Sarkozy. La différence, c'est l'impunité qui suit les affaires la plupart du temps, parce que la Justice est dépendante, lente, inadaptée.
plombier
Légende ?
jeudi 31 janvier | 09:53
Si ce compte est une légende, Ségolène Royal [...] ne pourra pas dire : "Rendez l'argent."
mlf
Mauvais esprit
jeudi 31 janvier | 08:09
Le compte "jaune" à monsieur, les pièces à madame.
jo
Le retour des fantômes
jeudi 31 janvier | 05:28
M. Chirac encore dans la tourmente après les HLM de paris ou encore le RPR, on se demande comment un homme pareil a fait pour devenir président de la République. Peut-on encore faire confiance à la classe politique française, surtout actuellement, mais là, c'est tendance people.
erkki
erkki
jeudi 31 janvier | 02:08
Le Français voudrait que les présidents soient pauvres et peu ambitieux, que le luxe soit réservé aux sans-abri, que les pauvres soient riches sans être des [...] et les riches pauvres sans se plaindre... ça fait du bien de vivre à 20 000 km.
erkki
La notion même d'argent
jeudi 31 janvier | 02:05
En France, la notion d'argent est déjà péjorative, le type qui dépense moins qu'il ne gagne est suspect, celui qui gagne bien est un [...], et le riche est forcément malhonnête.... Que voulez-vous faire avec des gens pareils ? Est-il interdit d'avoir un compte au Japon ?
Geneviève
Sacré menteur
mercredi 30 janvier | 22:09
Le ménage a été bien fait. Escamotée, la poussière. Mais que sont devenus ces 3 ou 4 millions (de quoi, d'euros) ? Peut-être à la Société Générale maintenant...
moune07
Encore !
mercredi 30 janvier | 20:12
La France devient un parquet public et la risée de tous les pays ! Pourquoi ne pas sortir toutes ces affaires en temps réel ? Elles sont si nombreuses et se suivent à une allure telle, qu'on a l'impression que la France entière est synonyme de fraude ! C'est lamentable !
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